VIDÉO - Des milliers de morts après une tempête en Libye : comment expliquer un bilan aussi lourd ?

par Theodore AZOUZE
Publié le 12 septembre 2023 à 15h41, mis à jour le 13 septembre 2023 à 8h47

Source : JT 13h Semaine

La tempête Daniel a déferlé sur la Libye, provoquant de multiples dégâts et un nombre "énorme" de morts, selon la Croix-Rouge.
Cette tempête a été qualifiée de phénomène "extrême en termes de quantité d'eau tombée" par les experts.
À Derna, une localité où l'on déplore déjà plus de 2300 morts, plusieurs barrages ont rompu après la crue d'une rivière traversant le centre de la ville.

Le passage de la tempête a tout dévasté. Depuis lundi, les images des villes détruites de l'est de la Libye impressionnent : immeubles effondrés, coulées de boue dans les rues, rivières qui débordent... Le coup de vent et les importantes trombes d'eau tombées sur le pays ont notamment détruit une partie de la ville côtière de Derna, où les autorités recensent "plus de 2300 morts" et environ 7000 blessés. Peu habituée aux inondations, d'autant plus à cette période de l'année, comment expliquer que la Libye ait connu une aussi importante catastrophe naturelle ?

Une tempête puissante, dont la formation est liée au réchauffement climatique

Le caractère exceptionnel de la tempête Daniel, responsable de ces intenses intempéries en Libye, est d'abord l'un des facteurs expliquant la gravité de la catastrophe. Celle-ci avait déjà fait d'importants dégâts en Grèce, en Bulgarie et en Turquie la semaine dernière. Sur la péninsule hellénique, une quantité d'eau jamais vue était tombée sur le pays, donnant lieu, là aussi, à des paysages et des maisons totalement submergés. Dans ces trois États, 27 personnes ont perdu la vie. Une vaste opération de secours avait dû être déployée par les secours grecs pour sauver les habitants coincés dans des villages isolés.

Avant même ses conséquences encore plus importantes en Libye, la tempête avait même été qualifiée par les météorologues comme un phénomène "extrême en termes de quantité d'eau tombée en l'espace de 24 heures". Pour les spécialistes, son ampleur peut être liée au réchauffement de la planète d'origine humaine. La canicule marine qui touche la Méditerranée cet été est due au dérèglement climatique. Or, plus l'air s'évaporant de la mer est chaud, plus les potentiels orages, provoqués par la rencontre entre deux masses d'air aux températures différentes, sont violents. 

La Libye n'est pas une zone habituée à de telles tempêtes à cette période de l'année. Mais avec la chaleur et le "blocage en omega" persistant sur l'ouest de l'Europe la semaine dernière, ce phénomène a "fait dériver les perturbations atlantiques" vers l'est de la Méditerranée, expliquait vendredi à TF1info le climatologue Davide Faranda. Conséquence : la tempête a donc touché des régions ne subissant habituellement pas de telles tempêtes. De quoi surprendre, donc, la population libyenne.

Selon l'Organisation météorologique mondiale, la tempête constitue ce que l'on appelle un "medicane", pour la contraction de "Méditerranée" et d'"hurricane" ("ouragan", en français). Ce type de cyclone méditerranéen provoque toujours d'importants dégâts, comme ce fut le cas en 2021 en Sicile, au sud de l'Italie. 

Des barrages qui cèdent face aux intempéries

À Derna, ville d'environ 100.000 habitants où l'on dénombre donc déjà plus de 2300 morts, la géographie de la ville peut aussi expliquer ce tragique bilan. Un oued, c'est-à-dire une rivière typique d'Afrique du Nord ou des régions désertiques, traverse la ville en son centre. Or, selon les autorités de l'est de la Libye, ce cours d'eau a débordé à causes des trombes d'eau s'abattant dans la zone. Les deux principaux barrages de cette rivière n'ont pas résisté à la pression de l'eau s'accumulant soudainement contre leurs parois et ont fini par céder dans la nuit de dimanche à lundi.

Conséquence : d'immenses coulées de boue, détruisant les ponts et emportant sur leur passage des immeubles entiers, de chaque côté de l'oued, avant de se déverser dans la Méditerranée. Dans la ville, beaucoup de bâtiments étaient déjà largement fragilisés par la guerre civile entre djihadistes et troupes du maréchal Haftar durant la deuxième guerre civile libyenne en 2019 et n'ont pas pu résister à la puissance de l'eau.

Quartiers inaccessibles aux secours

Par ailleurs, la difficulté pour les secours à accéder à certains quartiers, toujours inaccessibles des heures après la catastrophe, a pu aggraver le bilan humain des intempéries. Les secouristes semblent dépassés par l'ampleur de la catastrophe, d'après des images filmées par des habitants de la région et relayées sur les réseaux sociaux. Des routes coupées, des éboulements de terrain et des inondations ont empêché les pompiers et les services d'urgence d’atteindre la population, contrainte de se débrouiller par des moyens rudimentaires pour récupérer des corps et extraire des survivants sur le point de se noyer.

"Nous avons besoin de davantage de soutien pour sauver des vies car il y a des gens toujours sous les décombres et chaque minute qui passe compte", lancé ce mardi Oussama Ali, porte-parole du "Service de secours et d'urgence" du pays. Le Centre
météorologique national avait alerté 72 heures avant l'arrivée du "medicane" sur l'ampleur de la tempête à venir. Toutes les autorités avaient été prévenues et un état d'urgence avait été décrété dans les régions de l'est du pays.


Theodore AZOUZE

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